Ma Rolex GMT Master 16750 à moi
par Alain
 




La GMT Master est peut-être la plus connue des Rolex " sportives " avec la Submariner, dont elle partage le dessin. Avec sa lunette tournante bleue et rouge façon Pepsi-Cola, ses quatre aiguilles tritiées, sa grosse loupe sur la date et son cadran noir mat, la 16750, troisième GMT du nom, se repère de loin. Ce n'est pas exactement un modèle de discrétion et d'élégance, mais la GMT Master n'a pas été conçue pour les soirées en ville. A moins de changer de ville tous les soirs...
 

Un peu d'histoire

A l'origine de la GMT Master, on trouve une commande de la défunte PAN AM, qui voulait équiper ses pilotes d'une montre leur permettant de lire l'heure de différents fuseaux horaires tout en gardant l'indication de l'heure universelle (à l'époque le Greenwich Mean Time, ou GMT, devenue depuis l'UTC, Universal Time Coordinated).

Sous l'impulsion de Frédérik Libby de la Pan Am, l'équipe de René Jeanneret plancha sur la question et accoucha en 1954 de la première GMT Master, la 6542 (qui sera commercialisé dès 1955 - date du dépôt du nom) .

extrait de la revue internationale d'horlogerie 1958 / Merci à Joël de Toulouse

La 6542 était une évolution de la Turn-O-Graph, la première Rolex à lunette tournante, l'ancêtre de la GMT Master mais aussi de la Submariner (et de ses cousines Sea-Dweller puis Yacht-Master).


Rolex Turn-O-Graph

La 6542 utilisait le mouvement de la Turn-O-Graph, le calibre 1035, transformé en calibre 1065 par l'adjonction d'un train de rouages pour l'indication 24 heures et d'un disque dateur.
 

La GMT Master offre deux possibilités de réglage :
- Soit la montre est calée en permanence sur le GMT. Pour lire l'heure sur un autre fuseau horaire, il suffit de faire tourner la lunette -non crantée- (ornée d'un insert en bakélite sur ce premier modèle) jusqu'à ce que l'indication de l'aiguille 24h concorde avec l'heure de son choix.

- Soit la montre est réglée sur l'heure locale et l'on fait tourner la lunette jusqu'à ce que l'aiguille 24h indique le GMT ou l'heure de la maison si l'on est en voyage.

Pour faciliter la lecture (et ne pas appeler sa fiancée à trois heures du matin), les heures diurnes sont sur un demi cercle rouge, les heures nocturnes sur un demi-cercle bleu.

La 6542 se distingue des générations suivante par sa petite flèche au bout de l'aiguille 24 heures et sa couronne de remontoir sans épaulements. Le cadran est noir brillant et la date change de couleur d'un jour sur l'autre (chiffres rouges et noirs alternés).

La production de la 6542 s'arrête en 1959. En 1960 elle est remplacée par la 1675, qui devient rapidement la montre de pilote par excellence.


Rolex GMT 1675 / photo Shonie Herbath - Armadale Watch Gallery

La 1675 est animée par un nouveau calibre, le 1565, dérivé du 1530. Elle est caractérisée par son cadran noir mat, sa lunette brillante en métal (toujours non crantée) et sa flèche 24 heures plus grande, mais surtout par la présence d'épaulements pour protéger la couronne vissée, une caractéristique qui en fait la cousine de la Submariner de l'époque.

L'anecdote veut que la montre ait été portée par Jack Swigert à bord d'Apollo 13 et qu'elle ait servi pour minuter le retour sur terre de la capsule en pilotage manuel (je sais, je sais, dans le film de Ron Howard c'est une Speedmaster, montre officielle de la Nasa, qui fait le boulot), mais sur ce sujet les sources sont diverses et contradictoires, certains prétendant que Rolex offrit la GMT à Swigert après son retour sur terre...

La 1675 eut de nombreuses variations, boîte en or, boîte en acier avec couronne en or et bracelet deux tons, cadran couleur rouille avec des index en relief non tritiés et couronne assortie (beuh), lunette entièrement noire, etc.


Une des nombreuses variations de la GMT 1675

Photo Bob Wingate

Elle fût remplacée à la fin des années 70 par la 16750, qui se différenciait de son aînée par un dispositif à changement de date rapide.

C'est à cette montre, ma montre à moi, que nous allons nous intéresser plus particulièrement.


 

La Boîte

La GMT 16750 est une montre assez imposante, 38 mm sans les cornes, 42 mm avec la couronne, 47 mm de corne à corne pour 13,5 mm d'épaisseur.

Sculptée dans un pièce d'acier monobloc, la boîte est fermée par un fond vissé crénelé, qui oblige à utiliser un outil spécifique pour l'ouverture de la montre. Les côtés sont polis brillants, le dessus et le fond satinés.

 
Le remontoir, frappée du logo Rolex, est du type vissant à deux joints, garantissant une étanchéité à 100m : Même sans système triplock, la GMT Master est bel et bien une montre de plongée enrichie d'une aiguille 24h.

Ma GMT était livrée avec un bracelet fliplock a extension du type Submariner (et sa célèbre boucle en tôle emboutie, plutôt moche et assez peu pratique). Comme je ne suis pas fan des bracelets en métal (petit poignet oblige), et que ceux des Rolex ne sont pas un modèle de qualité, je l'ai troqué provisoirement pour un bracelet Hirsh en cuir noir, en attendant de m'en faire faire un sur mesure dans un ton noir/bleu plus approprié.

Malgré sa taille, la 16750 ne paraît pas si massive une fois mise au poignet, du fait de sa faible épaisseur, de son poids raisonnable et de son fond très plat qui rend la montre très agréable à porter.
 

La Lunette & la Glace

La lunette accuse son âge et elle est un peu dure à tourner. Comme sur la Submariner, il faut appuyer dessus pour la débloquer avant de la faire tourner, ce qui garantit de ne pas se retrouver avec l'heure de Séoul lorsque l'on est à Montréal.

La glace est en plastique (acrylique), elle se raye donc facilement, mais moins que celle de la Speedmaster pro, par exemple (ne me demandez pas pourquoi). Le plastique a l'avantage d'une grande transparence et d'une faible sensibilité aux reflets, et il se repolit très facilement. La glace déborde très largement de la lunette (par opposition à la somptueuse glace bombée affleurante des anciennes Sub 5513) ce qui donne un air un peu étrange à l'ensemble, mais plutôt sympathique et rétro.

Pour couronner le tout, le bord de la glace est coiffé de la célèbre loupe Rolex, destinée à faciliter la lecture de la date. Il y a ceux qui détestent l'appendice en question, d'autres qui le trouvent pratique (même si l'aiguille des minutes devient très dure à lire autour du quart). Mais elle est tellement caractéristique des Rolex de l'époque que l'on peut lui trouver du charme, du moins sur un modèle ancien. Et puis... il faut bien dire que grâce à elle, on lit très facilement la date !

Au passage, la date saute à minuit avec un petit " clac " très sympathique, ce qui change (en bien) de la date " rampante " de certains mouvements ETA.
 

Le Cadran

Le cadran est noir mat, légèrement bleuté, ce qui le rend très lisible (absence de reflets), avec des index peints au tritium (T<25, ce qui était la limite admise pour les montres à usage professionnel). A mon sens, il est plus fonctionnel et plus élégant que les cadrans modernes avec leurs index en relief et leur fond émaillé brillant.

Un triangle à 12h vient rappeler celui de la lunette, une barre marque 6h et 9h et des cercles les autres heures, trois formes bien distinctes pour faciliter la lecture intuitive des intervalles de temps. Une graduation fine des minutes fait le tour du cadran (elle était cerclée de blanc sur les anciens modèles).

Comme toujours chez Rolex, le cadran offre une abondante littérature : En haut " Rolex / Oyster Perpetual ", en bas " GMT-Master (au cas où vous l'auriez oublié) / Superlative chronometer (au cas où vous auriez égaré le certificat) / officially certified (au cas où vous auriez encore des doutes) ". C'est chargé ! Mais bon, ça fait partie de l'ambiance...

Les aiguilles sont au nombre de quatre et, fait remarquable, elles sont toutes très différentes, ce qui répond a un cahier des charges très précis : Il s'agit de pouvoir les distinguer du premier coup d'oeil, sans confusion possible, même quand votre avion traverse une zone de turbulence.

L'aiguille des heures est du type Mercedes (squelette), l'aiguille des minutes est une lance, l'aiguille des secondes, très fine, balade un cercle de tritium avec elle, quant à l'aiguille 24 heures, la plus longue de toutes puisqu'elle doit pointer sur la lunette extérieure, c'est un bâton rouge coiffé d'une flèche tritiée.

Les aiguilles sont remarquablement finie et polies, du grand art (un bon cran au dessus du lot des montres à vocation plus ou moins professionnelle); elles contrastent très vivement avec le cadran, on pourrait même dire qu'elles sautent aux yeux (prévoir des lunettes de protection). A l'usage, la montre est très facile à lire, et l'aiguille 24h est suffisamment distincte des autres pour que l'on puisse lire le deuxième fuseau horaire sans être attiré par le premier.
 

Le Mouvement

Rolex a été une des premières manufactures à équiper ses montres d'un calibre automatique dont la masse oscillante pouvait faire un tour complet sur son axe, technique qui s'est généralisée depuis.

Le mouvement de la 16750 est le calibre automatique Rolex 3075, équipé d'un dispositif stop seconde et du changement de date rapide (rotation arrière de la couronne de remontoir au premier cran).

Le mouvement bat à 28,800 alt/h, son diamètre est de 28.5mm, sa hauteur de 6mm. Le balancier est en Glucydur, avec un spiral Breguet. Le système antichoc est du type Kif. La réserve de marche est de 50 heures, et bien sûr, le mouvement est certifié par le COSC !

La décoration est spartiate, soleil sur le rotor, perlage sur les ponts, on est pas au palais Farnese.

Un mouvement assez volumineux, donc, sans chichis et un peu "vieux jeu" avec son équilibrage du balancier par masselottes (système Microstella, voir la revue de la Sea-Dweller par Bruno), mais très robuste et très précis (même après 20 ans de loyaux services). Il est à l'image de la montre, solide et efficace.
(désolé, je n'ai pas encore de scan du 3075)

 

Évolutions de la 16750

La 16750 a reçu une glace saphir juste avant d'être remplacée par la 16700, plus connue sous le nom de GMT I, dotée d'un cadran noir émaillé brillant avec des index en or blanc remplis de tritium (auxquels je ne m'habituerai jamais, je les trouve moches, c'est comme ça).

Mais la grande innovation fût la GMT II, qui utilise le nouveau calibre 3185 (qu'elle partage avec l'Explorer II), permettant de régler l'aiguille des heures par saut d'une heure indépendamment de l'aiguille 24 heures. On peut ainsi régler sa montre sur l'heure locale tout en gardant le GMT (ou l'heure de Paris!) sur l'aiguille 24h et afficher une troisième heure avec la lunette tournante... Un système incontestablement plus pratique que celui de la GMT I, mais qui fait perdre le changement de date rapide.


Rolex GMT II / photo Rolex

La GMT II a supplanté la GMT I qui n'est plus désormais au catalogue. Mais Rolex propose aussi une alternative, l'Explorer II, qui est une GMT II avec une lunette gravée fixe et un cadran émaillé blanc ou noir.

Mais nous en reparlerons...
 
 

En guise de conclusion

J'ai toujours aimé la GMT, depuis tout gosse, probablement à cause de sa lunette rouge et bleu, si pimpante. Et puis, avec la Speedmaster, c'était la montre de pilote par excellence, ce qui pour un gamin shooté au Buck Danny n'était pas innocent. C'est peut-être pour cela que je trouve tant de charme à la 16750 et si peu aux GMT II contemporaines. Nostalgie ?

 
Bien sûr, en usage quotidien, la GMT II est probablement plus pratique avec sa glace en saphir et son aiguille des heures indépendante, mais le cadran mat de la 16750, sa glace débordante et ses index peints font de cette chère tocante, malgré son design pataud, son tritium fané et son disque dateur jaunit, une de mes Rolex préférées, avec la très spartiate Submariner 5513.

 

 

Quant à son prix, presque la moitié de celui d'une GMT II neuve, il achève de me la rendre sympathique...
 
 

© Alain pour chronomania.net / Nov 2001