SOUS LA LOUPE …


 

ROLEX OYSTER « CUSHION »

Bertrand le 17/02/2004

Bonjour, je m’appelle Bertrand ( là vous devez tous dire en cœur « bonjour Bertrand » ). C’est la première fois que je prends la parole pour vous parler de ma maladie. Oui, je suis collectionneur de montre et je vais vous parler de ma première montre plutôt rare qui est rentrée dans ma collection. Avant, je me contentais de petites montres, souvent à gousset, chinées sur les brocantes mais tout a changé un beau jour d’été sur une brocante du Sud-Ouest quand je suis tombé sur elle, ma ROLEX !!!! A partir de ce moment, ma collection prenant une certaine légitimité, je me suis sérieusement intéressé à des modèles nettement plus onéreux, de la came de luxe quoi ! , et mon porte-feuille ne s’en est pas remis (et n’est pas près de s’en remettre je le crains).

La  belle m’attendait au fond d’une boîte, au milieu d’autres montres sans intérêt. Elle était en  assez mauvais état avec un verre plexi craquelé, un boîtier oxydé et un mouvement bloqué. Ma grande chance est l’absence de marquage sur le cadran ce qui n’a pas éveillé l’attention du brocanteur et m’a permis de l’acquérir pour 50 francs…

Après un bon nettoyage du boîtier et une révision chez l’horloger, la voici prête pour une nouvelle vie.

Il s’agit d’un des premiers modèles Oyster (huître pour les anglophobes) de Rolex caractérisés par un boîtier étanche : fond, lunette et surtout couronne vissés. Le brevet suisse du boîtier Oyster est déposé le 29 juillet 1926 et les premières montres sont commercialisées la même année. Mais la consécration arrivera le 23 novembre 1927 lorsque une jeune sténotypiste londonienne, Mercedes Gleitze, traverse la Manche à la nage en 15 heures et 15 minutes, avec une Oyster. C’est un formidable coup publicitaire avec le lendemain, la une du Daily Mail qui fait connaître la marque et le modèle au public comme la première montre véritablement étanche.

Photo issue de « La montre » ed. Ars Mundi

L’Oyster a ses débuts était proposée en 2 tailles : homme et unisexe, 2 formes : coussin (« cushion » en anglais) et octogonale et enfin différents métaux : or (du 9 au 18 carats), argent, bicolore, acier …

Photographiée sur une page de « ROLEX » de George Gordon

La deuxième étape fondamentale de Rolex est le développement du remontage automatique qui associé au boîtier étanche donnera les fameuses Oyster Perpetual, mais c’est une autre (longue) histoire.

Description de la montre

 

Le boîtier :

Il est en argent 925 millièmes. Il est composé de 4 pièces : la lunette et le fond vissés sur une bague sur laquelle se fixe le mouvement et une carrure prise en sandwich entre le fond et la lunette.

La carrure a une forme carrée dite coussin.

Le fond et la lunette présentent les caractéristiques rainures, permettant a un outil adapté de les dévisser.

Les anses soudées sont fixes et nécessitent donc des bracelets spéciaux, soit directement cousus sur la montre, soit comme dans mon cas, l’extrémité du bracelet une fois passée dans l’anse se replie et est fixée au reste du bracelet par une sorte d’agrafe.

Ce boîtier correspond au petit modèle unisexe, il est donc d’assez petites dimensions : diamètre de la lunette : 24 mm, carrure de 27 mm (sans la couronne) × 31 mm (avec les anses) ; épaisseur : 9 mm (avec un verre plexi)

La montre fait assez ridicule sur mon poignet et ne peut aujourd'hui être portée que par une femme (oui chérie… QUOI !!!…. tu peux toujours rêver !).

La couronne vissée n’est probablement pas d’origine, la couronne d’origine ,de forme ronde, en argent, était vissée sur un tube en argent lui-même vissé en force dans la carrure. Ces couronnes s’usant assez vite, elle a dû être remplacée par une couronne en acier qui a beaucoup endommagé le filetage du tube. Cette couronne porte les marques OYSTER PATENT et la croix suisse signalant le brevet déposé pour cette couronne vissée.

Croquis du système de verrouillage de la couronne du boîtier « Oyster »

Photos issues de « L’encyclopédie des montres » de Constantin Parvulesco ed. ETAI

1.       Boîtier

2.     Tube fixé dans le boîtier

3.     Ajustage étanche

4.     Couronne

5.     Tige de remontoir

6.     Tube de couronne

7.     Pas de vis de la couronne

8.     Fixation du joint

9.     Carré du joint

10.  Tube

11.   Fixation du tube

12.  Carré du tube

13.  Ressort hélicoïdal

L’étanchéité est assurée par des joints en argent (disparus ?) au niveau de la lunette, du fond et de la couronne. Il faut noter que contrairement aux boîtiers étanches actuels, le fond n’est pas vissé sur la carrure mais sur la bague de maintien du mouvement, expliquant pourquoi le filetage se trouve à l’intérieur et non à l’extérieur.

Un petit ergot permet de positionner et empêcher la rotation de la bague interne par rapport à la carrure.

Le verre, en plexiglas est collé à la lunette, toujours pour assurer l’étanchéité. Le verre se trouvant sur la montre lorsque je l’ai trouvée était aussi en plexi mais je n’ai pas pu retrouvé la nature du verre d’origine, probablement minéral.

Le fond porte les initiales du premier ‘ou de la première) propriétaire et à l’intérieur, une quantité d’informations :

-ROLEX (il faut bien l’écrire quelque part)

-20 WORLD’S RECORDS, les premiers boîtiers Oyster portent la mention 16 world’s records.

-GREAT BRITAIN PATENTS  260554/1925  274.789, il s’agit des brevets déposés en Grande Bretagne mais je ne sais pas à quoi ils correspondent, il ne faut pas oublier que Rolex est à l’origine une marque britannique qui s’est secondairement installée en Suisse.

-SWISS PATENTS  114.948  120.851, brevets déposés en 1926 respectivement pour le fond et la lunette vissés avec joints d’étanchéité et pour la couronne vissées. En bref, les brevets pour le boîtier Oyster.

-R.W.C.Ltd, pour Rolex Watch Co (ou Case ?) Limited

-1900, le numéro de série qui ne m’a pas permis de dater la montre.

-Les poinçons de l’argent

-Un grand nombre de marquages d’horlogers signalant les révisions. La plus ancienne date de 1930, la montre doit donc dater de la fin des années 20.

Le cadran :

Il est en argent ou argenté, assez joliment décoré avec une fine gravure en arcs de cercle dans chacun des douze secteurs du cadran. Les chiffres arabes sont peints en noir, de même que la minuterie de type chemin de fer. A 6 heures, on trouve le cadran auxiliaire des secondes lui aussi peint sur un cercle du cadran non gravé.

Il faut noter que ce cadran ne porte aucune inscription alors que sur des modèles identiques on peut lire ROLEX OYSTER Suisse Made. L’absence de marquage n’indique pas forcément que le cadran n’est pas d’origine, en effet dans le livre ROLEX de George Gordon, on peut voir plusieurs cadrans (dont certains avec la même décoration) vierges. Ceci pourrait indiquer que la montre était destinée au marché britannique où au début du siècle, les marques suisses ne pouvaient rien écrire sur le cadran (c’est le cas pour OMEGA donc peut-être pour ROLEX aussi).

Les aiguilles sont en acier bleui. L’aiguille des heures est de type inconnu alors que celle des minutes est de type cathédrale. L’une des deux n’est certainement pas d’origine mais il est difficile de dire laquelle car ces deux types d’aiguilles ont été utilisées par Rolex sur les premières Oyster (parmi d’autres).

Le mouvement :

Il s’agit d’un petit mouvement de 14 mm de diamètre, rhodié, avec les différents marquages gravés et dorés. Il est maintenu à la bague interne par 2 vis de fixation. Il possède 15 rubis et est ajusté dans 6 positions (Timed 6 positions) et à différentes températures (for all climates).

L’échappement est bien sûr  à ancre avec un balancier à vis, compensé bimétallique fendu. Le spiral est en acier bleui et présente une courbe Breguet. Le balancier est de type EXTRA PRIMA. Le balancier Prima est utilisé par Rolex dans les années 1920-25. Il est remplacé par l’Extra Prima à la fin des années 20, lui même supplanté par L’Ultra Prima dans les années 30. Enfin dans les années 30-40 apparaît le Super Balance.

On distingue bien les 2 vis de fixation maintenant le cadran par ses pattes qui traversent la platine.

Sans présenter de superbes décorations, ce mouvement est d’un aspect soigné et techniquement de très bonne qualité, d’ailleurs 80 ans après sa fabrication et une longue utilisation, il fonctionne toujours parfaitement. La seule grande faiblesse de ce mouvement est l’absence d’antichoc sur l’axe de balancier et il vaut mieux se montrer soigneux avec lui d’autant plus que les pièces détachées sont introuvables aujourd’hui.

Conclusion :

Je suis très attaché à cette montre car c’est ma première Rolex (et la seule pour l’instant, j’espère pas trop longtemps) mais aussi car elle a été la première « belle » montre de ma collection. De plus, il s’agit d’un modèle historique, assez méconnu, puisqu’elle est la première montre réellement étanche et la première de la lignée Oyster. Ce modèle est difficile à porter au quotidien, sa taille ne correspond plus aux standards actuels, elle est plutôt fragile et plus du tout étanche. Elle mérite donc une bonne retraite, bien à l’abri dans un coffret où je vais la réveiller délicatement de temps en temps et attendant une copine nommée Daytona …

Bertrand

Quelques publicités Rolex pour l’Oyster :

(issues de « Timeless Elegance ROLEX » de George Gordon)